La méthode de la chaîne critique

chaine critiqueSelon ses adeptes, la méthode de la Chaîne Critique permet de réduire les délais par 2, de diminuer les coûts et d’améliorer grandement le taux de réussite des projets.

Ces promesses ne sont pas vraiment nouvelles mais il est toujours intéressant d’étudier les différentes approches. Comment cette méthode s’insère-t-elle dans le macrocosme des méthodes de gestion de projet ?

Une alternative à la technique du Chemin Critique

La Chaîne Critique est une technique de planification et de suivi des délais, qui remplace avantageusement la technique du Chemin Critique.

Le principe est le même: prendre en compte les contraintes pour déterminer la durée minimale du projet et les tâches critiques pouvant impacter cette durée.

Les 2 principaux ajouts de la Chaîne Critique sont:

  1. la prise en compte des limitations en ressources ou en compétences (en plus des dépendances entre les tâches). On parle alors de chaîne critique pour la distinguer du chemin critique.
  2. la mise en place de tampons (buffers), c.-à-d. des réserves de temps, dans la chaîne critique et les chaînes secondaires.

Si l’intérêt du premier point va de soi, celui des tampons méritent quelques explications.

Les tampons remplacent les marges de délai qui sont prises traditionnellement au niveau de chaque tâche lors des estimations. Cette approche a les avantages suivants:

  • Eviter de consommer inutilement les marges de délai au niveau des tâches. En effet, la loi de Parkinson observe que le travail s’étale de façon à occuper tout le temps alloué pour la tâche. Ainsi les réserves de délai au niveau des tâches sont systématiquement consommées.
  • Visualiser et de maîtriser les marges de délai. La séparation de l’estimation de la durée des tâches  et des marges de sécurité permet de mieux visualiser ces dernières. Cela permet de palier la multiplication de marges prises par les différents acteurs du projet.
  • Un nouvel indicateur pour surveiller les délais. L’indice d’utilisation du tampon permet de visualiser le niveau des réserves de délai. Une alerte est levée lorsque le niveau global d’utilisation dépasse l’avancement réel (= sur-utilisation de la réserve).

Les tampons sont définis au niveau des chemins, critique et secondaires, définis par le réseau de dépendances entre les tâches.

Le tampon principal, appelé tampon projet, est celui placé sur la chaîne critique. C’est celui à surveiller en priorité.

Ce tampon projet est une réserve non négligeable puisque l’auteur de la méthode, Eliyahu M. Goldratt, recommande une réserve de 50% de la durée de la chaîne critique. Cela revient donc à ajouter 50% de délai par rapport à la durée minimale.

Enfin, la méthode recommande d’utiliser un système de compte à rebours pour avertir les personnes du démarrage prochain de leurs tâches pour qu’elles démarrent à temps.

Notre avis

Nous préférons rester prudents vis à vis des résultats fournis par les études faites sur les bénéfices d’une méthode par rapport à une autre. Comme pour les méthodes Agiles, ces études sont souvent commanditées par ceux qui y ont un intérêt; et l’interprétation des résultats nécessiterait de se pencher sérieusement sur la validité de l’étude.

Concernant la promesse de réduction des délais, les promoteurs de la méthode partent du postulat que les délais sont systématiquement multipliés par 2 du fait du cumule des marges. Ce postulat nous semble hasardeux et ne correspond pas à notre expérience dans l’informatique. Au contraire, les délais initiaux sont souvent optimistes du fait des nombreuses inconnues du projet ou des pressions exercées pour gagner l’affaire.

Quant à la réduction des coûts, elle ne peut venir que d’un meilleur déroulement du projet puisque la méthode ne s’intéresse qu’aux délais.

Ceci étant dit, nous considérons que la méthode de la chaîne critique propose des améliorations importantes par rapport à la technique du chemin critique et nous semble nettement supérieure. D’une part, la prise en compte des contraintes sur les ressources est essentielle; d’autre part l’idée des tampons (buffers) est excellente.

Notre avis est que la méthode de la chaîne critique devrait supplanter celle du chemin critique.

Avec la chaîne critique, les délais annoncés devraient être mieux respectés du fait d’une meilleure gestion des marges. Notons au passage que le délai prévu pour le projet calculé selon cette méthode est d’au moins une fois et demie supérieur à la durée calculée selon le chemin critique du fait du tampon projet et de la prise en compte de nouvelles contraintes. C’est donc aussi plus facile à respecter 😉 .

Du fait de la similarité des promesses, nous avions cru initialement à une nouvelle approche dans le prolongement de l’Agilité ou du Lean. En fait, c’est le contraire. Cette méthode s’inscrit totalement dans la démarche traditionnelle en allant encore plus loin dans la planification.

Le champ d’application de la chaîne critique est donc bien différent de ceux des méthodes agiles et du Lean.

Références:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Méthode_de_la_chaîne_critique

http://www.chaine-critique.com/fr/La-methode-en-action-4.html

Valeur Business ou Valeur Acquise ?

La volonté de maximiser la valeur business est une bonne pratique de gestion de projet, tout comme la technique de la valeur acquise. Ces deux concepts de valeur reposent sur des principes de valorisation de projet différents: l’un à partir des bénéfices, l’autre à partir des coûts. Faut-il pour cela les opposer ?

Récemment, nous avons présenté la technique de la valeur acquise à des managers d’une SSII. Après nous avoir écouté poliment pendant quelques minutes, un des interlocuteurs nous rétorque:

« Vous savez, nous, nous sommes agiles, la seule valeur qui nous intéresse c’est la valeur business !»

Voilà le nouveau mot à la mode: la Valeur Business.

Que les approches Agiles mettent en avant la maximisation de la Valeur Business, c’est très bien. Mais cela doit-il empêcher d’être par ailleurs un bon gestionnaire ? Et pour cela, il n’y a qu’une technique, celle de la Valeur acquise, approche agile ou non.

Valeur Business

La valeur business est juste un autre terme pour désigner les bénéfices attendus du projet ou du produit. Ce concept n’a donc rien de nouveau. Ce qui change avec l’Agilité par rapport à l’approche traditionnelle, c’est la possibilité de faire des modifications afin de maximiser la valeur business en cours de projet.

La valeur business permet de justifier le projet et de prioriser les items.

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Gestion de projet 2.0

Voilà plusieurs années que la vague 2.0 a atteint le monde de l’entreprise, d’abord par ses technologies (Web 2.0, Virtualisation, SaaS, Cloud Computing…), puis par ses valeurs (Collaboratif, Agilité, Lean…).

La gestion de projet traditionnelle doit elle-aussi s’adapter et passer à l’ère du 2.0, qui se définit par : la simplicité, la légèreté et une plus large collaboration sur fond de technologies.

Il s’agit d’une transformation majeure de la gestion de projet. L’approche traditionnelle de la gestion de projet, fondée sur les processus, le contrôle et la planification rigoureuse, convient de moins en moins à notre époque moderne, à un environnement changeant, aux besoins en retours sur investissement rapides et à la mentalité des équipes.

Cette transformation a déjà été initiée depuis plus de 10 ans par la vague de l’Agilité et du Lean. Aujourd’hui, ces approches sont reconnues par les organisations professionnelles. Ainsi le P.M.I., auteur du fameux référentiel de gestion traditionnelle de projet PMBoK, propose désormais une certification Agile. La transformation de la gestion de projet est donc solidement engagée.

Pour les entreprises, cette transformation est le moyen de gagner en compétitivité en améliorant la performance des équipes grâce à une collaboration plus efficace, fondée sur la confiance et la responsabilisation. Voici une analogie avec la transformation du Web vers le 2.0 qui a eu lieu sur Internet dans les années 2000.

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Initiation à la Valeur Acquise (Earned Value)

En gestion de projet, la technique standard de suivi de projet s’appelle la Valeur Acquise. Sa principale mission est la mesure des écarts par rapport au plan, et donc la maîtrise du projet. Cette technique fait partie intégrante des référentiels méthodologiques (PMBoK, IPMA…). En anglais, son nom est Earned Value Management (EVM).

Objectif de la Valeur Acquise: Maîtriser les écarts de coût et de délai

Une bonne gestion de projet passe nécessairement par la maîtrise des écarts.

Voyons ensemble comment le diagramme de la Valeur Acquise nous permet de visualiser facilement les écarts.

Valeur Acquise - courbe en S

Capture d’écran de TimePerformance, le logiciel de gestion de projets par la valeur acquise.

Sur ce diagramme, on y trouve 3 courbes.

  • La courbe bleue représente le plan.
  • La courbe verte représente l’avancement réel.
  • La courbe rouge représente le coût réel (hors la partie en pointillés).

Les positions relatives des courbes montrent les écarts de coût et de délai du projet.

La courbe verte est au-dessus de la courbe bleue. Donc l’avancement est supérieur au plan. Le projet est donc en avance (écart de délai).

La courbe rouge est au-dessus de la courbe verte. Donc le coût réel est supérieur à l’avancement réel. Le projet est donc en surcoût (écart de coût).

Remarque: Le diagramme de la valeur acquise est aussi connu sous le nom de Courbe en S pour sa forme caractéristique.

Qu’est-ce que la Valeur Acquise ?

La valeur acquise, c’est la courbe verte, c.-à-d. l’avancement réel du projet. On appelle «valeur acquise» l’avancement réel quand il est valorisé en euros. L’intérêt de valoriser l’avancement en euros est de pouvoir comparer sa valeur par rapport au budget (le plan) et au coût réel.

Le principe de la Valeur Acquise, c’est simplement de donner une valeur en euros à l’avancement réel pour le comparer à un budget et à un coût réel.

A partir des 3 valeurs, valeur acquise, budget à date et le coût réel, la technique de la valeur acquise fournit des formules simples pour calculer des écarts et des indices de performances.

Le + de la Valeur Acquise: la prédiction à terme

Le fait d’avoir calculé les écarts sur le projet permet de faire des prédictions par extrapolation. Dans la technique de la valeur acquise, on s’intéresse à prédire le point d’atterrissage du projet, ce qu’on appelle l’estimé à terme.

Dans le diagramme ci-dessus, la prévision est représentée par la partie en pointillés de la courbe rouge.

La technique de la valeur acquise prédit dans l’exemple que le projet se terminera 3 semaines en avance avec un surcoût de 10%.

Comment calculer la Valeur Acquise ? Comment valoriser un avancement ?

Le principe du calcul est simple: chaque élément du projet a un poids qui correspond à son montant dans le budget. Ainsi, à chaque fois qu’une tâche est terminée ou qu’un livrable est achevé, le montant du budget prévu pour cette tâche ou ce livrable s’ajoute à la valeur acquise du projet.

Malgré sa simplicité – ou plutôt grâce à sa simplicité – cette technique est très efficace et facile à utiliser. Elle fournit des informations essentielles au pilotage.

Le seul réel obstacle à la démocratisation de la valeur acquise est la lourdeur des calculs. Ils sont fastidieux du fait de la volumétrie des données et de la nécessité d’historiser les valeurs. De plus, la prise en compte des changements en cours de projet constitue un réel challenge pour la mise à jour des courbes. Sans outillage suffisant, la mise en œuvre de la valeur acquise devient rapidement un casse-tête pour le chef de projet.

Sur ce dernier point, nous vous invitons à essayer gratuitement notre logiciel de gestion de projets, qui est la solution la plus simple et la plus facile pour bénéficier de la technique de la valeur acquise.

Perles de PMO

Un peu d’humour pour la rentrée…

Voici quelques perles de vrais PMO glânés au cours des rencontres, qui nous ont laissés sans voix.

Nous: «Il y a plein de livrables et d’étapes dans TimePerformance dont l’avancement est à 100%. Il faudrait les clore, non ?»

PMO: «Ben, l’avancement est à 100% mais ce n’est pas vraiment terminé. Il y a quelques retouches à faire ici et là…»

Le même pour le même projet…

La prédiction dans le diagramme de la valeur acquise dans TimePerformance montre clairement que le projet qui devait finir en octobre ne finira pas avant avril-mai de l’année suivante. (ce qui s’est démontré vrai par la suite)

PMO: «On le sait tous à la DSI mais il ne faut surtout pas le dire.»

Un autre.

 PMO: «Nous sommes un centre de coûts….. Donc on ne gère pas les coûts.»

Quelles solutions au scope creep

Le scope creep – ou dérive du contenu – est un fléau bien connu des projets informatiques, qui engendre surcoûts et retards importants. Chaque méthode de gestion de projet apporte à ce problème une réponse spécifique.

L’approche traditionnelle cherche à lutter contre la dérive du contenu en ajoutant plus de contrôle, plus de préparation, plus d’implication…

De son côté, l’approche agile considère les modifications de spécification comme un phénomène naturel de maturation du projet.

Dans le tableau ci-dessous, nous avons fait une comparaison entre les solutions de l’approche traditionnelle et celles de l’approche agile en nous basant sur l’article «comment empêcher que la dérive de contenu n’emporte au loin votre projet» qui identifie 5 causes à la dérive du contenu:

  1. Pauvre analyse des besoins
  2. Implication trop tardives des utilisateurs
  3. Sous-estimation de la complexité du projet
  4. Manque de contrôle du changement
  5. Sur-qualité
Causes Approche traditionnelle Approche agile
Pauvre analyse des besoins Passer plus de temps en réflexion et en préparation, meilleures spécifications des besoins, documentation exhaustive… Travailler par petits bouts (incréments), c’est plus simple. De plus, une meilleure compréhension de la part des développeurs et des utilisateurs des besoins réels est facilité par des livraisons et des démos fréquentes.
Implication trop tardives des utilisateurs Plus d’implication, plus de réunions, plus de documentations, développements de scénarios de test, plus de processus de validation… Dans SCRUM, il y a forcément une démo avec les utilisateurs en fin de Sprint (ie tous les 15 jours).
Sous-estimation de la complexité du projet Ajouter des provisions pour aléas, ajouter de la marge dans le planning, prévoir des ressources supplémentaires… Travailler par petits incréments réduit la complexité et favorise la recherche de solutions simples.
Manque de contrôle du changement Plus de processus (formulaire, validation, registre, analyse d’impact) Pendant une itération (Sprint) aucun changement n’est accepté, pour le reste on en discute pendant le planning de la prochaine itération avec le représentant des utilisateurs et du sponsor.
Sur-qualité Plus de management et de communication sur les enjeux L’équipe s’engage à livrer un produit fini tous les 15 jours (pas le temps de traîner). Chaque membre de l’équipe annonce ce qu’il va faire dans la journée (SCRUM) ce qui est aussi une forme d’engagement.

Il n’y a pas d’approche meilleure que l’autre, mais simplement des objectifs différents liés à des contraintes – souvent financières – différentes. L’approche traditionnelle est plus adaptée dans le cadre d’un engagement de résultat (mode forfait) tandis que l’approche Agile sera plus adaptée pour optimiser la valeur business avec un engagement limité de moyens. (Ce dernier point est souvent débattu.)

Mais la vraie question derrière le problème de la dérive du contenu est: Comment définit-on la réussite d’un projet ?

Est-ce le fait d’avoir respecté un engagement de délais et de coûts défini au début du projet ou d’avoir un client et des utilisateurs satisfaits à la fin du projet ? Ce n’est pas la même chose…

Agilité et Lean Startup

L’Entreprise 2.0 reste un concept un peu vague bien que le changement soit pressenti comme inévitable.

Le 2.0 est bien plus que de la collaboration informelle. C’est l’ensemble de toutes les réponses aux bouleversements de notre monde actuel.

Il existe une déclinaison concrète du concept d’Entreprise 2.0 pour les startups: la Lean Startup.

Dans la vidéo ci-dessous,  Abby Fitchner nous présente les nombreuses similitudes entre Lean Startup et l’Agilité, qui représente une autre évolution majeure et récente dans le fonctionnement des entreprises.

[vimeo 27797408]

How Lean Startup Pushes Agile to the Next Level from Abby Fichtner, Hacker Chick on Vimeo.

Suivi des temps = flicage ?

La mise en place du suivi des temps déclenche souvent une réaction épidermique de la part des équipes, qui suspectent leur management de vouloir les surveiller, voire de vouloir les espionner. Le suivi des temps est-il une forme de « flicage »?

Le suivi des temps ne sert pas à «fliquer». En effet, il repose entièrement sur une action volontaire de la personne concernée.

A l’inverse, pour faire du «flicage», il faudrait un vrai système de surveillance avec des logiciels qui espionnent à l’insu des personnes.

Le suivi des temps est généralement réalisé sur la base d’une déclaration de bonne foi sans aucune forme de vérification. On fait confiance aux gens pour déclarer leurs temps, et ceux qui veulent «tricher» peuvent donc le faire en toute impunité.

A quoi sert le suivi des temps ?

En premier lieu, le suivi des temps sert à comptabiliser.

Comptabiliser sert à donner de la visibilité au management et est la base d’une bonne gestion. Ce n’est peut-être pas « fun », mais c’est nécessaire, surtout dans un environnement professionnel.

On peut réussir des projets sans gestion, mais c’est risqué. On peut aussi faire de la comptabilisation implicite, comme dans SCRUM, mais cela implique certaines contraintes pas toujours faciles à respecter (taille de l’équipe constante, durée des sprints identiques etc.).

En général, le suivi des temps reste le brique de base de la comptabilité du projet, indispensable à sa gestion et à son pilotage.

Le suivi des temps peut aussi être utilisé par les premiers concernés, ceux qui suivent leur temps.

A l’instar du sportif qui recherche la performance et surveille son chrono, suivre son temps permet de mieux se connaître dans sa façon de travailler et de s’améliorer. Un exemple évident de potentiel d’amélioration concerne l’estimation des futures tâches.

Cette utilité du suivi des temps est vraie au niveau de l’individu mais aussi au niveau de toute l’équipe.

Dans un article précédent, nous avons fait un petit retour d’expérience sur ce que le suivi des temps peut apporter à une équipe de développement logiciel en mode agile.

Les 2 mauvaises raisons de ne pas suivre son temps

Raison n°1: Invoquer le manque de temps.

Ceci est un prétexte car le suivi des temps ne prend que quelques minutes par semaine. La vraie raison est qu’on n’en a pas envie car ce n’est pas une activité plaisante, bien que nécessaire. Dans ce cas, le manager doit rappeler l’intérêt et la nécessité, à mettre en comparaison du faible effort à produire.

Raison n°2: Crier au flicage.

Ceci traduit un climat de méfiance et de peur. Dans ce cas, il faut rétablir rapidement un climat de confiance.

Conclusion

Le suivi des temps n’est donc pas du flicage mais simplement une bonne pratique de gestion, voire d’autogestion. C’est une affaire de discipline personnelle et de transparence vis à vis du management. Cela peut aussi devenir un moyen d’apprentissage et d’amélioration, individuel et en équipe.

Agilité et suivi des temps, pour quoi faire ?

Le suivi des temps déchaîne rarement l’enthousiasme dans les équipes et bien des managers traditionnels peinent à le mettre en place. Cependant il trouve un nouveau sens et se renouvelle en mode agile en devenant une source précieuse de feedbacks pour toute l’équipe, principe fondamental de l’Agilité.

Feedback et Suivi des temps (Time Tracking)

timetrackingEn matière de gestion de projet, le processus d’estimation reste un exercice difficile et approximatif, alors qu’il est essentiel pour déterminer la viabilité du projet. Et le suivi des temps est le seul moyen d’obtenir un feedback pertinent sur ce processus critique.

Dans le domaine du développement logiciel, les tentatives de rationalisation du processus d’estimation ont abouti à des résultats médiocres malgré la complexité des modèles analytiques développés (points de fonction, Cocomo etc.). En général, estimer un projet reste un processus empirique basé sur l’intuition et l’expérience des équipes, agrémenté de techniques de recherche de consensus. Mais la fiabilité des processus empiriques est soumise à caution et on constate en pratique des marges d’erreur importantes.

En mode Agile, on a la chance de pouvoir vite améliorer le processus d’estimation empirique. Il suffit de fournir à l’équipe le feedback adéquat: les écarts entre les estimations et le temps réellement passé au niveau de chaque item du backlog.

Alimenter en informations chiffrées les rétrospectives (SCRUM) est le premier objectif du suivi des temps en mode Agile. L’équipe fournit un retour qualitatif et humain, le suivi des temps le complète par un feedback quantitatif et objectif.

L’indicateur de Vélocité seul ne permet pas d’identifier les causes des problèmes. En effet, calculé au niveau du Sprint (= itération), c’est un indicateur trop macroscopique influencé par de nombreux facteurs. De plus, la Vélocité n’est pas une mesure mais le paramètre d’un modèle linéaire simple entre complexité et charge de travail.

Le suivi des temps permet aussi d’avoir une mesure précise du facteur de concentration (focus factor) pour ceux qui l’utilisent.

Pour être utile, le feedback doit se faire au même niveau de détails que le processus d’estimation (i.e. backlog item, user story, la fonctionnalité…). C’est à ce niveau que le suivi des temps prend toute sa valeur (et non au niveau des tâches). Il permet de mesurer la fiabilité de chaque estimation, prise séparément. Il est alors possible d’ajuster le processus d’estimation pour prendre en compte d’autres facteurs que ceux du modèle générique.

Voici quelques leçons apprises chez Time Performance grâce au suivi des temps avec TimePerformance:

  • Nous passons environ 30% du temps sur des sujets qui ne font pas partie de la feuille de route du produit.

    Dans ces 30%, on retrouve les refactorings, les corrections d’anomalies, les petites améliorations, les tests utilisateurs…

    Le suivi des temps nous a permis de budgéter pour les itérations suivantes ce qui n’était pas dans la feuille de route.

  • Les tâches les plus complexes ne sont pas celles qui relativement prennent le plus de temps.

    Certaines tâches sont très simples techniquement mais prennent néanmoins du temps. Et la relation entre complexité technique et charge de travail n’est pas linéaire.

    Par exemple, il peut être nécessaire de faire de nombreuses retouches avec des allers-retours avec les utilisateurs. Il y a aussi des «coûts fixes», car même pour une fonctionnalité simple, il faut écrire des tests et de la documentation.

    Attention donc à ne pas sous-estimer le temps nécessaire sous prétexte que c’est simple techniquement.

  • Notre perception du temps est très subjective, bien plus qu’on ne le pense.

    Certaines heures paraissent être des minutes et certaines minutes paraissent durer des heures. Tout dépend si ce qu’on fait nous plaît ou non.

    Par exemple, certains se font une montagne de devoir remplir une feuille de temps alors que cela ne prend que quelques minutes par semaine. Et on retrouve les mêmes à la machine à café en train de discuter depuis 45 minutes sur le temps qu’il fait. L’exemple fonctionne aussi avec l’écriture des tests, de la documentation… Tout le monde se reconnaîtra, nous les premiers.

    Le suivi des temps peut permettre à chaque individu d’objectiver le temps qu’il passe réellement sur les tâches.

  • Notre marge d’erreur sur les estimations était plus importante sur les nouvelles fonctionnalités que sur les évolutions.

    En y réfléchissant, c’est assez logique. D’abord le risque est plus important pour une fonctionnalité importante et totalement nouvelle. La solution imaginée au moment de l’estimation peut ne pas marcher et nécessiter plusieurs ajustements. Les impacts sont aussi plus importants et des refactorings du code et des tests existants sont très probables.

Un suivi des temps efficace est absolument essentiel pour les équipes agiles pour maîtriser leur processus d’estimation. Cela mérite bien qu’on y passe quelques minutes par semaine.

Suivi des temps et gestion du projet

Traditionnellement, la feuille de temps sert principalement à suivre les coûts réels du projet en comptabilisant le nombre de jours travaillés.

En mode Agile, il est recommandé des équipes stables et des affectations à plein temps, ce qui rend la feuille de temps inutile.

Cependant la réalité des entreprises est souvent bien différente du cas idéal:

  • les personnes participent à la vie de l’entreprise (réunion de service, aider un collègue, veille, réorganisation…);
  • les personnes travaillent sur le projet mais peuvent être appelées en urgence sur d’autres sujets;
  • la spécialisation d’une personne ne permet pas une affectation à plein temps;
  • Une compétence rare est réclamée par de nombreux projets …

En pratique, le suivi des temps est indispensable pour connaître le temps réellement passé sur le projet. Il permet notamment de constater un écart entre affectation prévue et affectation réelle, qui explique dans de nombreux cas les retards dans les projets.

Même en mode Agile, le suivi des temps est en général nécessaire pour gérer le projet.

Vaincre les résistances

La mise en place du suivi des temps dans une équipe est un moment délicat où il faut faire preuve de leadership pour porter la vision.

Voici les 3 clés pour réussir la mise en place du suivi des temps:

  1. Donner du sens. C’est l’objet de cet article et la principale mission du manager ou du SCRUM Master.
  2. Faciliter la saisie par l’équipe. C’est ce que nous avons fait chez Time Performance avec notre logiciel TimePerformance en proposant 2 moyens complémentaires pour suivre facilement  son temps: une feuille de temps (déclaration a posteriori) et une liste de tâches avec une fonction type «chronomètre» (suivi au fil de l’eau).
  3. Montrer des résultats, c.-à-d. exploiter les informations et communiquer les résultats à l’équipe. C’est sans doute le plus important et ce qui permettra de convaincre les plus sceptiques.

Il y a encore quelques années, écrire des tests ou documenter le code n’étaient pas plus populaires que le suivi de temps parmi les développeurs. Aujourd’hui, c’est le quotidien des équipes agiles qui s’en font une fierté. Dans quelques années, un bon suivi des temps pourrait devenir le signe de maturité et d’autogestion d’une équipe…